•  Le Garde du cœur est un roman bien caractéristique de Françoise Sagan. L’histoire se passe aux Etats-Unis (La même à Nogent-sur-Marne, ça le ferait pas !). L’héroïne, Dorothy Seymour, est une femme dynamique et futile, qui bosse dans le cinéma, et donc ça frime un max. La voici menacée cependant d’une ovariectomie naturelle, car à 45 ans la ménopause  se propose de compléter prochainement le tableau de ses rides naissantes. N’empêche, cette futile pimbêche trimballe avec elle un Julot fort convenable, Paul, le genre sérieux et chiant qui a tout pour faire un mari convenable avec une bonne situation et une excellente moralité. Le couple, pas encore marié, roule en Jaguar bien sûr (en Renault Clio, ça le ferait pas !). Or, avec cette bagnole de luxe, ils trouvent moyen de renverser un jeune homme, Lewis. Plus de peur que de mal, encore que Lewis ait eu une jambe abîmée suite au  heurt impromptu avec cette voiture haut-de-gamme. Tout «naturellement», Dorothy héberge le jeune homme chez elle. Des sentiments troubles naissent, on s'en serait douté même sans Sagan, car c'est souvent comme ça quand on met ensemble un mâle et une femelle dans toutes les espèces animales y compris  chez les humanoïdes évidemment : Pour elle, c’est flatteur (et inespéré !) de se voir entourée d’un jeunot beau comme un dieu. Quant au jeune Lewis, il se prend d’un amour platonique mais intense et exclusif pour Dorothy. Paul, ce con ordinaire, laisse faire ; il aime Dorothy, c’est donc une raison suffisante pour accepter les caprices de sa belle !... Quant à Lewis, il accepte la présence de Paul puisque Paul veut du bien à Dorothy. Par contre, il est impitoyable avec celles et ceux qui font du mal à Dorothy, et il n’y va ni par quatre chemins ni avec le dos de la cuiller : il les tue ! Pour Dorothy, il se fait garde du corps et garde du cœur… Dorothy apprend les meurtres, mais comme ils ont été commis pour elle, elle ne les dénonce pas… Voilà, c’est ça, l’histoire… Comment ça va finir ? Bof, aucune importance, Sagan met le mot « fin » à la page 156  avec cette phrase impérissable à graver au Panthéon des Lettres : «…Je me dirigeai vers la salle de bain, en chantonnant. ». Vous voyez, même vous, vous auriez pu écrire une phrase pareille ! Et ça suffit pour être publié, à condition de trouver un éditeur !... S’agissant d’un bouquin de Sagan, il va de soi que les clopes et le whisky sont présents à chaque page, de même que la Jaguar et les endroits chics et chers où les propos futiles tiennent lieu de pensée ! Bref, un vrai Sagan pur jus, mais pas du meilleur. Une appellation « Sagan » contrôlée », mais pas un grand cru. Une impression lancinante de "déjà lu"... 5 euros en Livre de Poche, ça ne vaut pas plus. Mais ça les vaut quand même, ne soyons pas vache !


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  •  « Hors de moi » est un roman original et étrange. Original car on n'y trouve pas les sempiternelles histoires sentimentalo-sexuelles et leur cortège de drames, de ruptures et de recomposition familiale, de celles qu'on rencontre dans sa rue, dans son bureau ou dans sa famille à longueur d'année, ou encore à longueur de soirées dans les feuilletons télévisés ! Ouf ! "Hors de moi", ça change du quotidien. Original donc. Et c'est un roman étrange, car il nous met en présence d'un individu qui n'est plus lui-même. C'est même plus compliqué que ça : il est lui-même comme chacun de nous est soi-même... ça vous paraît normal et évident j'en suis sûr... sauf que notre héros s'aperçoit soudain que plus personne ne le reconnaît. Pire, un autre semble avoir usurpé son identité ! Notre homme va donc partir à la recherche de preuves, pour convaincre les autres de son identité. Mais tout se ligue contre lui : il a perdu ses papiers, et finit par douter et perdre pied, tant il est rejeté par tout le monde ! On lui a volé son nom, sa femme, son identité... Comment la chose est-elle possible ? Il est vrai qu'il a été victime d'un accident et a passé un jour dans le coma... Serait-il devenu fou ?...C'est là toute l'histoire que nous raconte l'auteur, une histoire qui cousine avec les phénomènes paranormaux en même temps que la science de la mémoire et du psychisme... Il est vrai que le thème est cher à Van Cauwelaert, dont les personnages ont, assez régulièrement, des problèmes d'identité... Quoi qu'il en soit, le livre se lit sans peine, le suspense est rondement mené et donne envie de tourner les pages, ce qui est une bonne chose en matière de lecture ! En outre, on apprend, à titre accessoire, des choses intéressantes sur la façon dont les plantes et les fleurs communiquent entre elles et réagissent au monde qui les entoure... Passionnant et étrange !... « Hors de moi », est mon premier contact avec l'oeuvre de Didier Van Cauwelaert. Et je pense que ce ne sera pas le dernier. Je me plongerai dans d'autres titres, un peu plus tard... dans un mois, dans un an... qui sait ?...

    Bio : Didier Van Cauwelaert est un auteur français né à Nice le 29 juillet 1960. Comme son nom l'indique, sa famille a des origines belges. Cet auteur est né avec une plume à la main, puisqu'il a écrit un premier polar à l'âge de 8 ans ! Et à 20 ans, à l'âge où les étudiants d'aujourd'hui savent écrire à peu près correctement leur nom et leur adresse, lui a déjà écrit dix romans, mais qui tous ont été refusés ! Et puis enfin, à 22 ans, son roman « Vingt ans et des poussières », publié chez Seuil, remporte  en 1982 le Prix del Duca. Dès lors, son talent est reconnu. Il sera même consacré en 1994 avec le Prix Goncourt, obtenu avec « Un aller simple ». L'oeuvre de Van Cauwelaert comporte plus d'une douzaine de romans, où l'on rencontre assez souvent des personnages aux prises avec leur identité... L'auteur se tient éloigné des coteries littéraires et intellectuelles de Paris, il vit et écrit à la campagne, cultive son jardin et s'occupe de sa collection de vieilles voitures. Il a souvent pris position en faveur de ce tout qui concerne l'au-delà, la vie après la mort, et la communication entre les vivants et les morts.


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  •  Ce roman écrit en 1975 par Romain Gary a un titre bien long : « Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable »… On est perplexe, on se demande quelle peut bien être cette limite et de quel ticket il s’agit… Et puis, en avançant dans la lecture, page après page, chapitre après chapitre, on commence à comprendre… Le héros de l’histoire, Jacques Rainier, est un homme d’affaires influent. Ila mené toute sa vie rondement, intensément, en vainqueur… Mieux encore, à 60 ans passés il aime une toute jeune Brésilienne, Laura, qui lui offre la fraîcheur et l’éclat de ses vingt ans, et tout ce qui va avec, vous m’avez compris…  ! Ya bon !... Vous salivez déjà, hein, mais attendez la suite !...... Car voici qu’au moment où il atteint l’âge de 62 ans, des signes inquiétants se manifestent : L’économie fléchit… la Bourse baisse… et un projet de redressement de la tour de Pise échoue : la tour de Pise ne se redresse pas… On comprend alors que tous ces fléchissements en rencontrent un autre, plus intime : le fléchissement sexuel, certes imperceptible, de Jacques Rainier, face à Laura, laquelle pourtant ne s’en plaint pas, au contraire. Car, concluant moins rapidement, il « tient » plus longtemps, ce qui enchante l’égoïsme sexuel féminin de Laura… On comprend dès lors le titre  du livre : cette limite, c’est celle de la vieillesse, au-delà de laquelle, on n’a « plus le ticket » avec les jeunes femmes !... Ce constat fait le désespoir du héros. Dans un premier temps il appelle à la rescousse le fantasme que lui procure l’image d’un arabe jeune et musclé dans la peau duquel il se met pour lutiner la jeune Laura… Mais le fantasme s’use, et Jacques Rainier voit venir l’inéluctable : son impuissance industrielle en affaires, peut-être provisoire, va se coupler avec une impuissance, définitive celle-là, celle du corps… La chose est acceptable lorsque l’esprit vieillit en même temps que le corps… Mais notre héros vit un drame : son esprit reste jeune dans un corps vieillissant… Il n’est à cela qu’un remède : le suicide. Jacques Rainier va dès lors imaginer un scénario original pour en finir… C’est un roman, bien sûr, mais il ne faut pas oublier que, cinq ans après sa publication, son auteur, Romain Gary, se tue d’une balle dans la bouche, à Paris, le 2 décembre 1980. Il a 66 ans… Alors ?... Roman ou autobiographie ?...  Quoi qu’il en soit, un récit vrai, sur un sujet largement tabou.


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  •  Le titre de ce livre est un résumé à lui tout seul : «L’humanité disparaîtra, bon débarras ! » Dans cet essai, qui a obtenu le Prix 2006 du pamphlet, l’auteur, Yves Paccalet, se livre à un constat amer, désabusé, pire : désespéré : L’homme est en train de détruire la Terre où il vit. En cédant à ses trois pulsions fondamentales et irrépressibles, à savoir le cul, le fric, et la domination sur les autres, il  a surchargé la terre au-delà du raisonnable. Entre1945 et 2025,  sur une durée de 80 ans (une vie humaine) la population mondiale sera passée de quatre milliards à huit milliards d’individus, dont plus de 5 milliards de crève-la-faim ! Le propos  de l’auteur n’est pas un simple discours théorique ex-cathedra, il est émaillé de mille exemples concrets, des choses que chacun connaît concernant la pollution de l’air et de l’eau, les massacres des guerres, la destruction des civilisations, des paysages, de la faune, de la flore, sans compter l’épuisement des sources d’énergie que sont le charbon et le pétrole… Il en résultera selon l’auteur des guerres terribles pour s’emparer des ultimes ressources devenues trop rares… Sans compter le risque d’épidémies épouvantables causées par des virus ou des bactéries ramenés par les hommes au cours de leurs déplacements  désormais mondiaux. La conclusion est sans appel : l’homme disparaîtra, victime de lui-même, de sa courte vue, de son âpreté au gain… La lecture de ce livre, assez angoissante, est cependant passionnante, tant l’écriture est simple et claire, émaillée souvent d’un humour décapant et provocant, histoire de faire gueuler les imbéciles… Ce bouquin n’est pas un roman, mais il ressemble furieusement, pourtant, à un roman d’anticipation, d’une rare noirceur et d’un rare désespoir ! Chacun devrait avoir à cœur de le lire, et surtout de modifier ses comportements, même un tout petit peu, dans le bon sens,  rien que pour faire mentir l’auteur ! Chiche ?...

    Courez vite acheter « L’humanité disparaîtra, bon débarras ! », 4,80 euros seulement dans la petite collection de poche « J’ai lu »… Ca ne va pas vous ruiner et ça vous instruira, ce qui ne vous fera pas de mal !...

    Bio : Yves Pascallet, philosophe et naturaliste, a participé dès 1972 à l’odyssée sous-marine de Cousteau. Il a énormément voyagé, accumulant d’innombrables observations sur les massacres commis par l’homme, souvent de manière irrémédiable…Auteur de nombreux ouvrages et articles, il prépare également des émissions documentaires pour la radio et la télévision.


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  •  L’auteur, Jean-Louis Ezine, a eu la gentillesse de me dédicacer ainsi son livre « Les Taiseux » (publié en 2010 chez Gallimard) :

    Pour Robert Lasnier, qui aime jouer avec les mots et tient un blog sur «Le Bal des mots dits », cette rencontre avec un autre Robert, en témoignage de sympathie », le 14 février 2010, au Bois-la-Croix (Pontault-Combault).

    Ancien habitant du Plessis-Trévise, je ne pouvais qu’être heureux de ces quelques mots d’un écrivain voisin. Pourtant,  même si ça fait plaisir, c’est un peu embarrassant, une belle dédicace. C’est un peu comme lorsque le fabricant d’aspirateurs vous refile vingt sacs à poussières gratuits : pas facile de lui dire ensuite que son aspirateur est trop bruyant !... Heureusement, le talent de Jean-Louis Ezine me met partiellement à l’abri de ces affres. Et puis, il en conviendra : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur »… Si vous avez le courage de me lire jusqu’au bout, vous saurez le nom de l’auteur de cet aphorisme célèbre !...  Mais en attendant, allons-y pour la critique : « Les Taiseux » est un ouvrage autobiographique, le récit d’une vie ; c’est bon signe et c’est aussi de mauvais augure. C’est  bon signe, car on se dit qu’au moins cette vie est une vie originale, qui vaut la peine d’être contée… D’un autre côté, si elle vaut d’être narrée, cette existence, c’est probablement qu’elle a été dure, triste, douloureuse… Les vies pépères entre la belle-doche et les chiards, les allocs et les vacances l’été dans une bicoque de location à Jard, ça n’intéresse personne. La vie c’est comme le train : ça n’intéresse que si ça déraille et qu’il y a des victimes. De ce point de vue, l’auteur a été servi, et l’on ne saurait qualifier de banal son parcours : un père inexistant, et une vie familiale dans laquelle s’exprime uniquement, si l’on peut dire, le silence épais des « taiseux ». Et puis l’auteur fait sur sa parentèle mystérieuse d’étranges découvertes. La vie qu’il nous raconte ressemble à un roman, mais pas à un roman rose. On n’imagine pas que ça puisse exister, on se dit qu’il a dû inventer, en rajouter… même pas… Tout est vrai, douloureusement vrai… Mais tout n’est pas désespérant. Dans la noirceur, on voit briller çà et là des lumières : ces lumières, c’est par exemple cet humanisme que l’on voit chez l’instituteur venant au secours de l’enfant… Curieusement, l’enfance de Jean-Louis Ezine a évoqué chez moi l’enfance de Jean Meckert, autre écrivain qui, lui, est bien oublié… Dans Les Taiseaux, il y a cependant quelque chose qui m’a gêné. En effet, de loin en loin, Jean-Louis Ezine abandonne soudain une écriture claire et expressive, vivante  et évocatrice, pour tomber dans des trucs plus ou moins intellos, plus ou moins hermétiques…. Prenons des exemples : voici d’abord un très beau passage : « J’ai eu un étrange pressentiment en arrivant devant la maison. On n’entendait aucun bruit. Je suis d’abord allé voir si la moto était là, ce qui n’était pour moi qu’une façon de me préparer à la présence éventuelle de monsieur Ezine. Elle n’y était pas. Je suis entré  dans la maison sans raser les murs, j’ai cherché maman, elle n’y était pas. Elle pouvait être en ville, à ses courses ou à ses ménages. Je me suis alors rendu compte que Lady n’était pas dans son chenil et que les clapiers avaient été vidés. Quand la nuit est tombée, j’ai su qu’il était arrivé quelque chose. »… On lit, on est captivé, pris dans l’ambiance, le cœur se serre, on est, nous aussi, dans cette maison déserte, on sent monter en soi une angoisse sourde, dans cette progression du vide et de l’absence … On pourrait en lire des pages et des pages, comme on boit une Tourtel : jusqu’au bout de la nuit !… Et puis, patatras ! à côté de ça, on lit soudain : « J’ai pensé à la phrase de Jules Lachelier que Paul Claudel citait souvent dans ses cours : Le monde est une pensée qui ne se pense pas, suspendue à une pensée qui se pense. »… Ou bien : « Parfois maman apercevait du monde devant la dalle grise où la pompe des solennités injectait une dose létale de regrets. »…  Plus loin encore : « Il était en puissance en tout lieu sans qu’on puisse le fixer dans aucun. Cet athlète est bien la preuve que le monde est une monade, comme l’a argumenté Leibniz : une substance indivisible et inétendue sur laquelle on peut varier les points de vue, et qui paraît se démultiplier selon la pluralité des perspectives qu’elle offre à l’esprit… »… Bon, j’arrête, on aura compris mon propos : ces « envolées » me semblent inutiles ici. Un récit intelligent n’a, selon moi, pas besoin pour autant d’intellectualisme. Ces phrases pleines de références philosophiques ont quelque chose d’artificiel, de plaqué, elles sont des ruptures préjudiciables au récit. On quitte soudain un récit prenant… pour se retrouver dans le grand amphi de la Sorbonne, et on n’était pas venu pour ça !... L’enfance de l’auteur se suffit à elle-même dans sa grandeur  poignante. Il n’est nul besoin de ces assaisonnements pédants. Si j’étais l’éditeur, je dirais à Jean-Louis Ezine : « Allez hop ! Vire-moi ces fioritures, reste simple, ce n’en est que plus beau ! »… Mais je ne suis pas Gallimard, juste  un lecteur lambda, un brin critique j’en conviens. Ah, je vous l’avais promis : c’est  Beaumarchais qui a écrit : « Sans la liberté de blâmer, il n’est point d’éloge flatteur »…

    Bio : Jean-Louis Ezine est né le 24 septembre 1948, à Cabourg. Il est critique littéraire au Nouvel Observateur. Par ailleurs il est membre de la fine équipe de l’excellente émission Le Masque et la Plume sur France Inter le vendredi soir (Essayez, vous verrez, c’est moins con que la télé !). Enfin, vous pouvez écouter chaque jour Jean-Louis Ezine, qui tient une courte et incisive chronique sur France-Culture chaque matin. Comme écrivain, il a écrit trois romans :

    La Chantepleure, Un Ténébreux, Les Taiseux… 


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